Nos frontières fermées, c’est l’occasion de découvrir notre pays que l’on a tendance à délaisser pensant que l’herbe est plus verte ailleurs. Pourtant le Maroc est un kaléidoscope de paysages sublimes et d’hommes et femmes accueillants et passionnés. C’est aussi un pays qui réservent toujours des surprises, qui engendre des métissages improbables, mais réussis.
Ce mois, je vous propose une évasion totale dans des lieux aussi dépaysants que luxueux, aussi authentiques que généreux, aussi magiques que dépaysants.
1ère étape : Kasbah Tamsna à Ouarzazate
Cette maison d’hôtes est la propriété d’un couple, la Japonaise Maya Wade et le Marocain Mohamed Takhchi. Graphiste, Maya est arrivée au Maroc il y a 17 ans. Quand elle s’est mariée avec Mohamed Takhchi qui travaillai dans le tourisme, elle a pris en charge des touristes japonais fans de Merzouga, Marrakech et Chefchaouen, tandis que son mari gérait les touristes d’autres nationalitéss.
Il y a dix ans, ils ont commencé à construire une maison avec l’aide de l’architecte japonaise Masaki Koike, dans un douar à la sortie de Ouarzazate. C’est une Kasbah traditionnelle de couleur ocre en béton, terre et pisé, avec des plafonds en tataoui, des murs en zelliges, des portes en zouak, des salles de bain en pierre de Taza et une décoration minimaliste aux influences japonaises. Maya a donné à douze chambres les noms des signes du zodiaque et elle a baptisé les deux dernières Lune et Soleil.
J’ai adoré les petits détails au raffinement purement nippon, les toilettes chauffantes Toto, les fleurs présentées à la manière de l’Ikebana, les grandes fenêtres qui s’inspirent du Shakeï, « emprunt de paysage » utilisé dans les jardins japonais pour placer une fenêtre qui cadre un rocher, un arbre, une vue sur mer. Ici, elle donne sur un paysage changeant au fil de la journée.
Le soir, les jeux de lumière subliment la kasbah, les étoiles sont bien visibles et les grenouilles et les grillons troublent le silence de la nuit.
Autre belle surprise, la cuisine fusion que l’on ne s’attend pas à trouver dans cette région du Maroc. Au dîner, Maya nous a servis une cuisine japonaise comme à la maison : un Kimpira de céleri rave et aubergines confites issues du potager où elle fait pousser les légumes japonais, une soupe Ozoni (traditionnellement servie au Nouvel An) et des giozas à l’agneau. Un aller simple pour le Japon en attendant d’y retourner. Mais si vous n’êtes pas fan de cette cuisine, pas d’inquiétude, Maya propose aussi des plats marocains comme des tagines au feu de bois.
Le lendemain matin, nous avons d’ailleurs opté pour un petit déjeuner marocain composé de jus d’orange, d’une omelette berbère, d’une soupe, de pain tafarnout, de msemem, d’olives noires , de miel, de yaourts aux fruits frais, le tout joliment présenté. Maya propose également un petit déjeuner japonais.
Un séjour inoubliable entre deux pays et deux cultures, avec un fil conducteur, l’Omotenash, l’hospitalité à la japonaise qui consiste à régaler ses invités, et la légendaire hospitalité marocaine.
Entre 1600 et 3200 dh la nuit en fonction de la saison.
Hay Tamassint Ouarzazate
Tel : +212 5 24 89 02 03 / 0661 31 99 35
info@kasbahtamsna.com
2ème étape : Azalai Desert Lodge à Zagora
Après avoir traversé la sublime Vallée du Draâ bordée de palmeraies, de champs et de magnifiques ksours , nous avons fait halte à Zagora, sur les traces d’un Maroc rare et préservé.
Azalaï Désert Lodge est caché au coeur d’une des plus grandes palmeraies du monde. C’est un lodge raffiné en pleine nature, dans un jardin luxuriant. Un long corps de logis dessert les salons et la bibliothèque qui donne sur la piscine, et deux bungalows situés dans le jardin abritent les chambres.
Chaque chambre est différente, inspirée par l’univers de grands écrivains voyageurs comme Paul Bowles, Henri Matisse, Odette du Puigaudeau ou Antoine de Saint Exupéry.
Il y a même un avion dans le jardin, clin d’oeil aux expéditions de Saint-Ex, ainsi qu’une terrasse sur le toit pout admirer le coucher de soleil sur la palmeraie.
Ici, nous avons été reçus avec beaucoup de chaleur. Le soir de notre arrivée, l’adorable équipe d’Azalai¨avait dressé une table au fond du jardin avec des assiettes en porcelaine, des couverts en argent, des pétales de rose sur la nappe en lin blanc et des bougies partout. Ce n’était pas notre anniversaire de mariage (que l’on ne célèbre d’ailleurs jamais) mais cela y ressemblait. Surprenant de trouver ce genre de mise en place dans un endroit pareil.
Le lendemain après un petit déjeuner copieux servi au bord de la piscine, nous avons franchi une petite porte au fond du jardin qui donnait directement dans la palmeraie. Nous nous sommes baladés dans cette oasis calme et paisible avant de déguster le couscous du vendredi.
Un 4X4 est alors venu nous chercher pour la troisième étape de notre voyage, à l’assaut du désert.
Douar Tissergate
Commune Rurale de Ternata
Tél. +212 6 61 16 43 94
info@azalailifeexperience.com
3ème étape : Azalaï Desert Camp
Le désert ça se mérite. Jusqu’à Mahmid, la route est bonne. Ensuite, cela se gâte. On traverse l’erg Chegaga, le plus vaste ensemble de dunes du Maroc. On parcourt des kilomètres de sable, on escalade des dunes et on prie pour que le conducteur ne plante pas le 4X4.
Je me suis demandée pendant tout le trajet comment il faisait pour se repérer dans cette mer de dunes, puis de cailloux, puis de dunes. A part un ou deux dromadaires, nous n’avons croisé personne et avions l’impression d’être seuls sur terre.
Deux heures et demi plus tard nous avons été accueilli au bivouac par deux hommes bleus qui nous attendaient au pied d’une dune avec des serviettes à la fleur d’oranger. Ils nous ont accompagnés dans une des sept tentes du camp. La notre, installée au creux d’une dune, s’appelait Courrier Sud et elle se composait d’une chambre, d’un salon, d’un bureau et d’une salle de bain avec douche et wc écologiques. Il y avait même des selhams en mlifa pour les soirées et les aurores, toujours fraîches dans le désert. Nous avions le camp pour nous et c’était une expérience magique.
Nous avons marché dans le sable, escaladé les dunes qui se plissent sous le souffle du chlouc et du ghibli et qui changent de couleur au fil de la journée. Nous nous sommes installés sur une crête et avons attendu le coucher du soleil, ivres de silence, en contemplant l’infinité d’un paysage à la fois abrupt et doux. Nous avons joué avec nos ombres, caressé le sable, heureux de partager ce moment de communion loin de tout. Les dunes se sont enflammées les unes après les autres avant de disparaître dans la nuit.
Nous sommes descendus dîner devant notre tente éclairés par des bougies et les étoiles . L’observation du ciel dans ce genre d’endroit est magique. Au menu, zaalouk et briouates depommes de terre, tagine de boeuf eux pruneaux et amandes et tagine de légumes, salade de fruits.
Après une bonne nuit de sommeil, nous nous sommes levés à l’aube pour observer le lever du soleil, aussi spectaculaire que le coucher. Le petit déjeuner marocain était parfait avec du pain maison cuit dans le sable.
Hicham et Lahcen ont été aux petits soins et ont contribué à faire de ce séjour un moment inoubliable. Je pourrais parler de cette expérience du désert pendant des heures, mais comme le disait si bien Théodore Monot : « Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ? ». Alors je vous conseille très fortement de vivre cette expérience à votre tour. Car les mots ne suffisent pas à transcrire ce que nous avons ressenti dans ce lieu hors du temps que nous avons quitté avec regret. On a alors repris la route, direction Tamegroute.
Ouvert de septembre à mai.
Erg Chegaga, Commune de Mhamid, Tél. +212 6 61 16 43 94
info@azalailifeexperience.com
4ème étape : Tamegroute
Amoureuse de la poterie de Tamegroute, j’avais envie de voir comment elle se fabrique. Le frère d’Abdelkrim et d’Aziz qui ont une très belle boutique dans la médina de Marrakech nous attendait dans cette bourgade de 5000 habitants qui vit de cette poterie verte du désert depuis le 16ème siècle.
Ici, la terre argileuse provenant de galeries à six ou sept mètres de profondeur est transportée à dos d’ânes, mélangée à de l’eau, étalée jusqu’au lendemain, puis malaxée avec les pieds et les mains. Une fois que les caillou et les pierres ont été retirés, la mixture est coupée en petits morceaux et ces morceaux sont travaillés au for. C’est un savoir-faire qui se transmet de père en fils. Les objets sont alors entreposés à l’ombre pendant 24 heures. Le lendemain après avoir procédé aux finitions, les potiers installent leur production au soleil entre trois jours et deux semaines en fonction de la taille des objets.
Ensuite, c’est l’étape de l’émaillage qui se fait avec du khôl mélangé à de l’oxyde de cuivre, de la silice, un peu de farine d’orge sans sel dans un bassin. Les pièces sont trempées dans cette préparation et deviennent grises bleutées. Une fois le four allumé dans la chambre du bas avec des feuilles de palmiers, de la sciure d’acacia et de l’herbe à chameau, on entrepose dans la chambre du haut des articles empilés les uns sur les autres, séparés par des petits triangles en terre qui laisse des traces caractéristiques après cuisson. Le four est fermé avec des briques et de l’argile et la cuisson à 1000 degrés dure cinq heures. A la sortie du four, vases, plats, assiettes, potiches arborent des couleurs vertes et jaune marron (grâce à l’oxyde de fer) inimitables.
Nous avons ensuite choisi des pièces dans la boutique de Mohammed. Et sommes repartis après un verre de thé accompagné d’amandes et de dattes riches de cette découverte d’un savoir-faire ancestral que des hommes accueillants étaient fiers de nous montrer et d’un proverbe de la région qui dit que « Les dromadaires c’est fait pour traverser le désert, et la gazelle pour traverser la vie». A méditer
Nous n’avons malheureusement pas pu visite la bibliothèque coranique du XVIIe siècle riche de 4000 manuscrits pour cause de pandémie. Cela nous donnera une raison d’y retourner.
@tamegroute_potter_desert , 192 Mouassine, Médina de Marrakech.
5ème étape : La palmeraie d’Agdz
Avant de rentrer à Marrakech, nous nous sommes arrêtés dans la palmeraie d’Agdz, un écosystème unique, classé réserve de biosphère par l’Unesco, où les habitants perpétuent une tradition agricole ancestrale. Au fil de notre balade, nous avons été transportés dans un autre temps, là où des paysans cultivent leurs parcelles de figuiers, luzerne, menthe à l’ombre des palmiers dattiers et des amandiers, et entretiennent les seguias qui les irriguent, là où les garçons jouent au football dans le sable, là où les seuls bruits sont les chants des oiseaux, là, où au l’on se fait inviter à boire un thé et où l’on repart avec un bouquet d’herbes aromatiques.
Ce périple aux contrastes saisissants est certainement l’un des plus beaux du Maroc, à faire de l’automne au printemps. Et pourquoi pas à la fin de l’année ?