Dans les premières listes des prix Goncourt et Interallié, Soleil Amer raconte l’histoire d’une famille sur trois générations.
Tout commence en 1959, en Algérie, dans la région des Aurès, où Naja élève seule ses trois filles alors que son mari travaille en France dans l’usine Renault de Boulogne Billancourt. En 1965, ils sont réunis à la faveur du regroupement familial et s’installent dans un logement social en banlieue parisienne. Naja tombe enceinte alors que leur situation financière ne le permet pas et le couple propose à Kader, le frère de Saïd, marié à une Française d’adopter l’enfant. Naja accouche de faux jumeaux et décide finalement de garder le plus fragile des garçons. Ce secret de famille aura des conséquences sur la vie de tous.
Dans ce roman superbement écrit, Lilia Hassaine aborde la question de l’intégration des populations algériennes dans la société française entre le début des années soixante et la fin des années quatre-vingt, mentionnant par exemple la « nuit d’octobre 1961 » qu’Emmanuel Macron a qualifiée d’inexcusable il y a quelques jours. De l’âge d’or des cités HLM à leur abandon progressif, c’est une période charnière qu’elle dépeint d’un trait. Une histoire intense, portée par des personnages féminins flamboyants, mais malmenées par la vie et toujours à la recherche d’émancipation. « Naître fille, ça voulait dire devenir la bonniche de ses frères, puis celle de son mari, ne jamais jouir d’aucun plaisir, si ce n’est ceux de la bouche, et donc grossir, grossir, grossir, tomber enceinte autant de fois que possible, accoucher sans un bruit, brider ses propres filles, qui reproduiront le même schéma à leur tour » peut-on lire, ou encore ; « La féminité est une maladie transmissible. On trimballe les tares de nos mères, et on les refile à nos mômes », dixit Michèle, la voisine de Naja.
Un roman triste et sincère que j’ai lu d’un trait et que j’ai adoré.
Editions Gallimard