Le décorateur Christian Liaigre, disparu le 2 septembre à l’âge de 77 ans, a inventé un style élégant, raffiné et épuré, reconnaissable entre tous, qui a fait fureur dans les années 1980-1990 auprès de la Jet-Set.
On lui doit l’hôtel Mercer à New York, les maisons de Valentino à Paris et du maquilleur Christian Nars à Tahiti, les appartements du chanteur Bryan Adams à Londres et du couturier Calvin Klein à New York, le bateau du magnat des médias Rupert Murdoch, la rénovation de l’hôtel Le Lotti à et du siège européen de l’OCP à Paris.
Ce chantre du minimalisme, du « style sans effet de style » qui adorait travailler avec les artisans d’art était aussi un créateur de meubles aux lignes épurées et aux matières nobles (ébène de Macassar, pin sablé, iroko huilé…),un décorateur de génie qui a su faire de son nom une marque, symbole de l’art de vivre à la française.
J’ai eu la change de l’interviewer en 2012 à l’occasion de sa participation au Sommet du luxe organisé par le Financial times à Marrakech. Il m’avait parlé de son travail, de sa passion pour le bois, de sa succession. Extraits.
Dans votre livre, vous vous décrivez comme un « décorateur complet », qu’est-ce que cela veut dire ?
On fait le plan pour bouger les cloisons ainsi que les meubles. Souvent, cela va jusqu’à la poignée de porte. On traite environ cinq chantiers par an. Nous ne sommes pas dans la logique de faire du chiffre d’affaires. On passe beaucoup de temps avec nos clients, on projette plusieurs scénarios. La déco ne vient qu’après.
Comment définissez-vous votre style ?
Ca c’est aux autres de le dire. Moi, je n’y arrive pas.
Vous avez été un des premiers à utiliser des bois exotiques, n’est-ce pas une manière de vous définir ?
C’est vrai qu’à certaines périodes, nous avons utilisé des bois que personne n’utilisait. Je suis d’origine terrienne donc j’aime beaucoup le bois. C’est une passion. C’est propre. Il y a une bonne odeur et un toucher incomparable par rapport au plastique. Le bois peut être teinté, verni. En ce moment, on travaille sur des bois bruts pour une maison à Malibu que nous réalisons avec Richard Meier. Le bois offre un beau contraste avec l’architecture de Meier, tendue et clean. On amène un peu de nature dans la maison.
Qu’est-ce qui fait votre spécificité ?
Nous proposons toujours un peu le même style, mais on ne se répète pas. Et à chaque fois, on s’inspire beaucoup de la culture locale. En ce moment nous travaillons sur une première mondiale : la conception d’un club de golf privé pour la famille Samsung. Nous nous sommes beaucoup inspirés de la culture coréenne. Idem pour la rénovation d’un hôtel particulier du 18ème siècle à Paris, siège européen de l’OCP. On garde l’identité de l’hôtel particulier tout en rajoutant des notes fondamentalement marocaines comme les ciselures très discrètes au milieu des boiseries. Nous faisons travailler Yahya sur les luminaires qui doivent s’inspirer des lustres du 18ème siècle.
Pourquoi avoir invité Edmond de Rothschild Capital Partners au capital de votre société en 2009 ?
Comme je n’avais pas de successeur (ma fille est photographe), ça me faisait mal au coeur qu’il n’y ait pas de continuité après moi.
Christian Liaigre en 10 dates
1981 : Première collection de meubles pour Nobilis
1985 :Première boutique à Paris
1990 : Décoration de l’hôtel Montalembert à Paris
1997 : Aménagement de l’hôtel Mercer à New York
2000 : Première conception globale d’une maison en Galice
2004 : Sortie du livre « Maison Liaigre » chez Thames & Hudson
2007 : Sortie du livre « Liaigre » chez Flammarion
2009 : Arrivée au capital de Edmond de Rothschild Capital Partners en 2009
2013 : Vente aux enchères de ses créations organisée à Paris par la Maison Piasa
2014 : En 2014, il promeut au sein de son équipe historique une nouvelle artistique pour lui succéder, puis quitte la Maison en 2016.