Regardez-nous danser est le deuxième tome du « Pays des autres », la trilogie que Leila Slimaniconsacre à l’histoire du Maroc et à une famille inspirée de la sienne. Il y a deux ans, nous avions laissé Madeleine, la grand-mère maternelle alsacienne de Leila, mariée à Amine, un Spahi rencontré en Alsace pendant la Seconde Guerre mondiale, à Meknès. Nous étions en 1954, avant la décolonisation du pays. On la retrouve, avec Amine, Aïcha et Selim ses enfants, Selma sa belle-soeur, à la veille de 1968, 12 ans après la fin du protectorat. Amine a transformé les terres arides de sa famille en ferme prospère et moderne et côtoie la bourgeoisie de Meknès. Aïcha fait ses études de médecine à Strasbourg, alors que Selim végète au lycée. On vit avec eux les évènements qui ont secoué le Maroc, de l’attentat raté contre Hassan II aux manifestations étudiantes réprimées dans le sang. On assiste à l’émergence d’une société à deux vitesses, à l’installation des hippies à Essaouira, à l’embourgeoisement de la famille, d’Amine au « corps corrompu par un poison, gonflé de bourgeoise suffisance », à l’éclosion d’Aïcha qui tombe amoureuse, aux interrogations de Mehdi, le mari de Leila, qui se demande « Comment as-tu pu être heureux ? Heureux malgré les attentats, les condamnations, les déportations vers des bagnes secrets ? Heureux malgré l’arbitraire, la peur, les chuchotements, les menaces de disgrâce ? ». J’aime toujours autant l’écriture sans fioritures de Leila Slimani, mais j’aurais aimé qu’elle balaye moins vite cette période. Hâte de lire la suite que Leila Slimani écrit à Lisbonne où elle s’est installée avec sa famille pour « être complètement dans sa bulle ».
Editions Gallimard